Au lieu-dit Noir-Etang…, Thomas H. Cook

Au lieu-dit Noir-Etang…, Thomas H. Cook

À vos palmes, prêts, plongez ! Et n’oubliez pas de respirer surtout. Pour ma part, je viens tout juste de remonter à la surface du Noir-Etang, j’ai encore des algues dans les cheveux - excusez-moi pour ce désordre - mais c’est que j’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture et je suis ravie de ma découverte de cet auteur.
Dès les premières pages j’ai été séduite par cette ambiance tout en gris orage et vert glauque, ces paysages tourmentés aux noms évocateurs…. En effet: Noir-Etang, le titre à lui seul en dit déjà long, vous ne trouvez pas ? Il annonce la couleur si j’ose dire. C’est gothique et romantique à souhait, exactement comme pour Les Hauts de Hurlevent : dans des endroits avec des noms pareils comment voulez-vous que les choses se passent bien ? Eh bien vous avez raison, ce n’est pas possible, les choses ne se passent pas bien, on peut même parler de tragédie. D’ailleurs Thomas H. Cook ne cache pas son désir de rendre hommage aux classiques anglais du XIXe siècle et je trouve que c’est une très bonne idée : ça donne à ce roman une autre dimension que celle de roman policier et aussi ça vient me chatouiller là où j’aime bien. 

Au fil des pages, j’ai pensé également au livre de Robert Goolrick, Arrive un vagabond, il y a des similarités dans l’intrigue : une bourgade paisible et sans histoire avec ses habitants “biens sous tous rapports” dont les vies se déroulent selon un schéma tout tracé, sans vague et sans fantaisie ; l’arrivée d’une personne totalement “hors du moule”, quelqu’un venu d’ailleurs et qui dégage un sulfureux parfum d’aventure (vade retro satana !) et enfin, dernière similitude, l’enfant du cru qui tombe sous le charme du nouvel arrivant qui lui ouvre les yeux sur un univers plus vaste et qui sera témoin d’une histoire qui le dépasse mais dont les répercussions le poursuivront tout le reste de sa vie. Ici il ne s’agit pas d’un vagabond mais de la belle Mlle Channing, nouvelle professeur d’Arts-Plastiques qui arrive un beau jour à Chatham School fraîchement débarquée d’Afrique et ayant plus ou moins fait le tour du monde avec son père. Bref, rien à voir avec les gens de Chatham qui ne sont pour la plupart jamais allé plus loin que l’autre bout du village et dont les mentalités sont tellement étroites qu’on n’y glisserait pas un ticket de train. Elle est arrive comme une tâche de couleur dans un monde gris et, au départ, cette bouffée de fraîcheur en séduit plus d’un, même si certaines personnes la regardent déjà d’un air méfiant, effrayés par cette différence et cette liberté. Elle séduit particulièrement le jeune Henry qui depuis toujours rêve d’autre chose, et refuse de suivre le modèle proposé par ses parents, et puis, elle séduit surtout M. Reed, un homme fracassé par la guerre et qui lui aussi rêve de liberté et voit en elle un moyen de s’en approcher. Sauf que M. Reed est marié, sauf qu’en ce temps et en ce lieu on ne se libère pas de sa vie, on reste envers et contre tout figé par les convenances et on se doit d’étouffer ses rêves. 

Je ne vais pas dévoiler l’intrigue mais sachez qu’elle est menée de main de maître et que le suspense se maintient jusqu’à la dernière page. Tout se passe finalement comme le laissait présager le titre, tout s’enfonce dans les eaux stagnantes du Noir-Etang et seules quelques bulles d’air restent pour témoigner qu’il y a eu un jour quelque chose ici…Quand tout est joué, on voit bien que les couleurs ont perdu la bataille face à cette armada de gris et ces gardiens de l’ordre moral qui ne tolèrent pas qu’on puisse espérer vivre d’une autre manière.
Alors voilà, je suis séduite et je vais sans plus tarder inscrire d’autres romans de M. Cook sur la liste de mes envies.


Une p'tite phrase au hasard : 

" La vie ne vaut d'être vécue qu'au bord de la folie."

Quatrième de couverture : Août 1926. Chatham, Nouvelle-Angleterre : son église, son port de pêche et son école de garçons fondée par Arthur Griswald qui la dirige avec probité. L’arrivée à Chatham School de la belle Mlle Channing, prof d’arts plastiques, paraît anodine en soi, mais un an plus tard, dans cette petite ville paisible, il y aura eu plusieurs morts.
Henry, le fils adolescent de Griswald, est vite fasciné par celle qui l’encourage à « vivre ses passions jusqu’au bout ». L’idéal de vie droite et conventionnelle que prône son père lui semble désormais un carcan. Complice muet et narrateur peu fiable, il assiste à la naissance d’un amour tragique entre Mlle Channing et son voisin M. Reed, professeur de lettres et père de famille. Il voit en eux « des versions modernes de Catherine et de Heathcliff ». Mais l’adultère est mal vu à l’époque, et après le drame qui entraîne la chute de Chatham School, le lecteur ne peut que se demander, tout comme le procureur : « Que s’est-il réellement passé au Noir-Étang ce jour-là ? »
Utilisant avec une subtilité machiavélique la palette des apparences, des dits et des non-dits, Thomas H. Cook allie à une tragédie passionnelle digne des classiques du XIXe siècle un suspense d’une ambiguïté insoutenable.
Né en 1947, Thomas H. Cook a été professeur d’histoire et secrétaire de rédaction au magazine Atlanta avant de se consacrer au roman. Il vit à New York et au cap Cod. Un Edgar Award a récompensé Au lieu-dit Noir-Étang…

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