Impurs, David Vann

Impurs, David Vann

Si j’étais quelqu’un d’autre, je dirais “Oh mon Dieu, mais dans quel monde vit David Vann ?!”, mais comme en fin de compte Dieu c’est pas trop mon truc je vais dire plutôt “Oh la vache, mais il lui est arrivé quoi à David Vann dans son enfance pour qu’il voit le monde de cette manière ?” et enfin, si j’étais Johnny Hallyday je chanterais “Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir” d’un air inspiré et convaincu. Et là, pour le coup, j’aurais bien raison ! Parce que question noirceur David Vann est un king et j’ai bien l’impression qu’il va défendre son titre bec et ongles un sacré bout de temps.

Impurs, ça commence comme un film d’horreur de série B, une petite famille bien white trash va séjourner quelques jours dans une cabane au fond des bois et vu les personnages qui nous ont été présentés, on pressent immédiatement que la situation ne peut que dégénérer. On se dit que forcément ou la sœur va tuer la sœur (ou l’inverse), ou la sœur va tuer la mère, ou le neveu va tuer la tante ou encore se taper sa cousine, voire sa mère, ou bien tuer sa mère, ou encore la petite-fille va tuer la grand-mère, bref, va savoir, avec ces gens là tout est envisageable et surtout le pire… D’ailleurs certaines de ces hypothèses vont se révéler exactes, mais je ne vais bien évidemment pas vous dire lesquelles, ce serait trop facile. Non, pour le savoir il vous faudra lire ce livre et boire la coupe jusqu'à la lie.
L’expression est bien choisie car justement, c’est ce que font les différents protagonistes dans cette histoire, ils boivent la coupe jusqu’à la lie, ils subissent jusqu’au bout une espèce de châtiment divin pour des crimes commis dans le passé, on ne saura jamais exactement lesquels, mais ce n’est pas important. Il s’agit d’une violence originelle à laquelle personne dans cette famille ne peut échapper car tout le monde y est borderline, chacun a sa noirceur, sa cassure, sa frustration, et il est inévitable que tout cela bascule dans la folie totale à un moment ou à un autre. Reste à savoir qui va y basculer le premier, entre la grand-mère qui perd la mémoire, la mère maniaco-possessive, la sœur jalouse et revancharde, le fils tiraillé entre masturbation et méditation et enfin la cousine délurée et déjà tellement aigrie du haut de ses dix-sept ans : les paris sont ouverts !

Impurs nous plonge dans un huis-clos qu’on traverse en apnée vers une issue fatale, c’est tellement oppressant que seule la mort peut être libératoire : on retrouvera son souffle uniquement en rendant le dernier souffle, c’est tragique mais c’est comme ça au pays magique des névroses de David Vann ! Lecture déconseillée aux âmes sensibles, et pour les autres, bienvenue dans les feux de l’enfer californien.


Une p'tite phrase au hasard : 

"C'est ainsi qu'il rêvait le monde. Sans personne."

Quatrième de couverture : Été 1985. Dans la vieille demeure familiale, en plein cœur de la Vallée Centrale de Californie, Galen vit seul avec sa mère. Tandis que celle-ci s'attache à faire revivre un passé idéalisé et l'étouffe d’un amour oppressant, le jeune homme tente de trouver refuge dans la méditation. Son existence et celle de sa mère sont rythmées par les visites inopportunes de sa tante et de sa cousine trop sexy, et par celles qu’ils rendent à sa riche grand-mère dont la mémoire défaille. Mais l'accumulation de rancœurs entre les deux sœurs et l'obsession de Galen pour sa cousine ne tarderont pas à les mener au bord de l'explosion. Une fois que la noirceur de chacun se sera révélée au grand jour, rien ne pourra plus les préserver du pire.
Après Désolations et Sukkwan Island, prix Médicis étranger 2010, David Vann nous entraîne dans la fournaise californienne. Il livre un roman haletant sur la folie et la lente descente aux enfers d’un jeune homme à l'esprit torturé. Le nouveau tour de force d'un romancier exceptionnel.

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