La constellation du chien, Peter Heller

La constellation du chien, Peter Heller

Un truc que  j’aime bien - après la fin du monde - c’est qu’il n'y a plus de gentils ou de méchants. Pour continuer à vivre, tout le monde est obligé (oui c’est vrai m’sieur, j’avais pas le choix, je devais le buter sinon) de faire passer ses intérêts en premier et de faire ce qu’il a à faire sans se poser de question. Bref, y’a que des peaux de vaches. Simplement il y a ceux qui aiment ça, et ceux qui se forcent. D’ailleurs ça laisse songeur non ? Parce que finalement ça ne change pas grand chose hein ? merde quoi c’est les boules, même après la fin du monde on est encore obligé de faire des trucs qu’on n’a pas envie de faire. Ce n’est donc pas le paradis, bah non. Mais pas l’enfer non plus. Oh la calmez-vous ! J’en vois déjà qui poussent des hauts cris mais franchement, en toute objectivité, si on démerde bien y’a moyen de se la couler douce dans un petit coin pépère avec pas trop de cons autour de soi. Et ça, ce dernier point, c’est un vrai plus. Par rapport à aujourd’hui je veux dire.

Mais je m’égare, revenons à nos moutons. Donc il y a ceux qui aiment ça, et les autres. Dans ce bouquin on trouve un échantillon de chaque, et en voyant comment ils s’en sortent on se dit que c’est bien qu’il reste un peu des deux, et en poussant plus loin la réflexion on se dit que c’est même mieux - si jamais on doit se retrouver à deux seulement sur un coin de terre - d’être avec quelqu’un qui ne nous ressemble pas. Et tant pis pour la conversation ou les parties de fou rire, de toutes manières après la fin du monde on a d’autres chats à fouetter non ? Bangley et Hig sont la preuve scientifique que le principe de complémentarité est vital pour la survie. Avec deux Hig, ils n’auraient pas tenu trois mois avant de se faire avoir par leur bon coeur et leur foutue envie de croire en l’humain dans l’être. Avec deux Bangley, c’était pas mieux, je ne sais pas dire combien de temps ils auraient tenu avant de se mettre sur la gueule jusqu’à la mort de l’un, tellement rongés qu’ils étaient par le doute et la conviction que l’autre essayait de le doubler. On se sait pas trop comment ces deux là se sont retrouvé ensemble mais c’était finalement ce qui pouvait leur arriver de mieux. Eh oui, il se trouve que le mariage arrangé à parfois du bon.
Après, pour l’amour, c’est autre chose évidemment… Mais quand même, dans ce livre, de l’amour on en trouve aussi, un peu partout d’ailleurs - aussi surprenant que cela puisse paraître. D’abord bien évidemment l’amour de Hig pour Jasper, son chien. À propos, je fais encore une parenthèse sous forme de note à moi-même : penser à prendre un chien un peu avant la fin du monde. Si si, c’est pas des conneries. J’avais déjà relevé cette astuce de survie à la lecture de World War Z et ça se confirme ici : un chien est d’une utilité extrême dans la vie après le monde. Ça se voit aussi dans Je suis une légende (livre ou film) mais bon tout de suite ça plombe l’ambiance car quand le chien meurt c’est troOoop triste. Fin de la parenthèse.

Je parlais d’amour donc. Vous trouverez dans ces pages bien d’autres sortes d’amour mais je ne vais pas détailler car ça reviendrait à faire du gros spoil. J’ai juste envie de dire encore un truc philosophique auquel ce livre m’a fait penser : Adam et Eve, sincèrement, comme début de l’histoire des temps c’est pas très (du tout) crédible - on est d’accord - mais là, après la fin du monde, ça prend tout de suite une autre dimension et on se dit oui, bah ouais pourquoi pas. Voilà, ça n’a pas beaucoup de sens présenté comme ça mais c’est tout ce que j’ai en rayon.
Pour conclure, je dois dire que j’ai vraiment adoré cette lecture. Du grand art. Et puis cette façon d’écrire très spéciale, ce découpage et cette non finition des phrases, ça colle trop bien au propos. Peter Heller écrit comme on parle quand on a une boule dans la gorge et le coeur serré, direct ça prend aux tripes et on est aspiré dans l’histoire, on avance à pas de loup avec toujours un peu l’angoisse de ce qu’on va trouver à la prochaine ligne. Terrible. Je kiffe.


Une p'tite phrase au hasard : 

" Il n'y a qu'une seule autre personne avec moi sur cent cinquante kilomètres carrés et je manque encore d'air frais. "

Quatrième de couverture : Quelque part dans le Colorado, neuf ans après la Fin de Toute Chose, dans le sillage du désastre. L’art de survivre est devenu un sport extrême, un jeu de massacre. Soumis aux circonstances hostiles, Hig, doux rêveur tendance chasse, pêche et poésie chinoise, fait équipe avec Bangley, vieux cow-boy chatouilleux de la gâchette. Une routine de l’enfer.
Bangley défend la baraque comme un camp retranché. Hig “sécurise le périmètre”, à coups de méthodiques vols de surveillance à bord de “la Bête”, solide petit Cessna 182 de 1956 toujours opérationnel. Partage des compétences et respect mutuel acquis à force de se sauver mutuellement la vie, ils ont fini par constituer un vieux couple tout en virilité bourrue et interdépendance pudique. Mais l’homme est ainsi fait que, tant qu’il est en vie, il continue à chercher plus loin, à vouloir connaître la suite.
À la fois captivant roman d’aventures, grand huit des émotions humaines, hymne à la douloureuse beauté de la nature et pure révélation littéraire, La Constellation du Chien est tour à tour contemplatif et haletant, déchirant et hilarant. Peter Heller orchestre son premier roman comme une virée de la dernière chance pleine de surprises, une réflexion sur la création autant que sur la destruction. Lumineuse et rocailleuse, son écriture semble réapprivoiser le monde à travers la reconquête du langage – comme si pour se sauver, l’humain devait avant tout recouvrer l’art de (se) raconter.

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