Six jours, Ryan Gattis

Six jours, Ryan Gattis

Plus de six jours après avoir fini Six jours je prends enfin le temps de rédiger ce billet, je sais, je sais, tout fout le camp, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient et je cultive ma procrastination la fleur au fusil, avec ma bite et mon couteau et les doigts de pied en éventail. Mais bon, c’est comme ça que vous voulez-vous, les chiens aboient, la caravane passe et que celui qui n’a jamais peigné la girafe me jette la première pierre.
Remarquez cependant, ô mauvaises langues, que je n’ai pas attendu la Saint-Glinglin et que ça y est, aujourd’hui, en deux temps trois mouvements je vais prendre le train en marche et rattraper ce scandaleux retard.

Alors voilà, j’ai bien aimé ce livre qui n’est pas un roman, je l’ai plutôt vu comme une sorte de reportage un peu trash sur “la vie et la mort dans les gangs de Los Angeles” et dans ce genre là, on peut dire que c’est rudement bien fait et très réaliste.
Donc oui, la vie n’est pas rose dans ces quartiers où il est très difficile de joindre les deux bouts et même si on dit que la roue tourne, elle ne tourne pas forcément pour tout le monde parce que tout simplement les dés sont pipés. Ils sont pipés si tu es black, ils sont pipés si tu es latino et ils sont pipés d’ailleurs aussi si tu es juste pauvre. Alors pour essayer de s’en sortir, fatalement, il faut jouer des coudes, marcher sur la tête de son voisin, savoir se défendre bec et ongles et pratiquer la loi du talion. Œil pour œil, dent pour dent et vas-y que je te rends la monnaie de ta pièce ! Six jours, c’est une histoire de vengeance d'abord et puis de vengeance de la vengeance et ainsi de suite jusqu’à ce que mort s’en suive. Et mort s’en suit, forcément. Les gangs sont à couteaux tirés et - c’était cousu de fil blanc - ils sont nombreux au fil des pages ces petits “homies” à manger des pissenlits par la racine. Finalement la bavure policière qui met le feu aux poudres et transforme la capitale des anges en grand brasier n’est qu’un prétexte, pendant six jours c’est l’apocalypse organisée, la grande orgie des gangs et on reste là, comme deux ronds de flan, à regarder ce que ça donne quand une ville comme L.A. est livrée à elle-même (et c’est pas joli joli). Chacun en profite pour régler ses comptes mais malheureusement les compteurs ne sont jamais remis à zéro et au final personne (ou presque) n’est épargné, tout le monde en prend pour son grade. Pas moyen de se ranger des voitures si tu es né ici, pas moyen de se faire la malle ou d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, non, quand le vin est tiré il faut le boire, et si tu es d’ici, tu dois choisir ton camp et gagner tes éperons. D’ailleurs si tu ne rentres pas en guerre, c’est la guerre qui entre en toi, alors voilà, la messe est dite, c'est vite vu : tu choisis ton gang, tu vis dans ton gang et tu meurs dans ton gang. Point. Et tu arrêtes de rêver, tu arrêtes de croire que tu as le choix, tu arrêtes de croire aussi que quelqu'un en a quelque chose à faire, de croire qu'il y a une justice, de croire que les forces de l'ordre vont faire un truc pour essayer de contrer ce chaos. Parce qu’en réalité, ça les arrange bien que les gangs se déciment les uns les autres, ça fera toujours ça de racaille en moins. Bref, vous voyez le topo.

Quoi d’autre ? J’ai beaucoup aimé le découpage de l’intrigue : c’est divisé par jour (de 1 à 6, d’où le titre on l’aura compris hein), à chaque chapitre c’est une autre personne qui parle et l’auteur a réussi à adapter son style à chaque narrateur. À côté de ça, je souligne aussi la qualité de la traduction qui n’a pas dû être évidente car le texte est truffé d’argot latino et il faut souvent consulter le glossaire situé en fin de volume mais ça ne gêne absolument pas la fluidité de la lecture, on apprend vite surtout si on a des bases d’espagnol.
Mieux vaut tard que jamais donc, j’ai fini mon billet et avant de tirer ma révérence je rajoute pour le fun un petit jeu concours : celui qui trouve combien d’expressions (plus ou moins bienvenues) se cachent dans ces lignes sera payé en monnaie de singe. Allez, hasta la vista baby ;


Une p'tite phrase au hasard : 

"Les hommes sur terre, jusqu'au dernier, tenteront de vous déposséder, de vous casser la figure et de vous plumer jusqu'au trognon."

Quatrième de couverture : 29 avril-4 mai 1992. Pendant six jours, l’acquittement des policiers coupables d’avoir passé à tabac Rodney King met Los Angeles à feu et à sang. Pendant six jours, dix-sept personnes sont prises dans le chaos. Pendant six jours, Los Angeles a montré au monde ce qui se passe quand les lois n’ont plus cours.
Le premier jour des émeutes, en plein territoire revendiqué par un gang, le massacre d’un innocent, Ernesto Vera, déclenche une succession d’événements qui vont traverser la ville.
Dans les rues de Lynwood, un quartier éloigné du foyer central des émeutes, qui attirent toutes les forces de police et les caméras de télévision, les tensions s’exacerbent. Les membres de gangs chicanos profitent de la désertion des représentants de l’ordre pour piller, vandaliser et régler leurs comptes.
Au cœur de ce théâtre de guerre urbaine se croisent sapeurs pompiers, infirmières, ambulanciers et graffeurs, autant de personnages dont la vie est bouleversée par ces journées de confusion et de chaos.
Six jours est un roman choral magistral, une sorte de The Wire (Sur Écoute) transposé sur la côte Ouest, un texte provocant à la croisée de Short Cuts et Boyz N the Hood.
Un récit épique fascinant, une histoire de violence, de vengeance et de loyautés.

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