Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson

Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson

J’aime bien Sylvain Tesson. Je l’ai croisé une première fois sur les bords du lac Baïkal en compagnie de son stock de vodka et je le retrouve ici “on the road again” sur les petits chemins oubliés qui traversent la France. Entre temps, il lui est arrivé des trucs. Des trucs pas cool en plus. Il a perdu sa maman. Et il est tombé d’un toit. Il aurait pu y rester mais non, au lieu de ça il se relève et peut se mettre à hurler sans complexe les paroles du tube interplanétaire de Gloria Gaynor ♬♪ I will surviiiiive ♫. Yeah ! Sylvain Tesson est quelqu’un qui rebondit, c’est le moins qu’on puisse dire, et pour se remettre de ses blessures il décide de traverser le pays à pied (ce qui vaut selon lui toutes les séances possibles sur les tapis roulants des centres de rééducation, why not ?). En amont, il se prépare un itinéraire qui trace une grande diagonale du sud-est au nord-ouest de la France en essayant de rester sur le plus possible sur ce qu’il appelle les chemins noirs, ces petits chemins qui sont figurés par de simples traits noirs sur les cartes IGN, vous voyez ? Mais si, rappelez-vous, autoroutes, rouge, départementales, rouge ou orange, routes goudronnées plus étroites, blanc, en pointillé les routes difficilement carrossable et enfin, en noir, les chemins. Il se base également sur un rapport gouvernemental sur l’hyper-ruralité pour choisir son axe de cheminement. Parce que oui, on sait bien que dans ce pays il y a avant tout Paris et sa région, puis les bordures (nos différentes côtes) et entre les deux, rien, un grand vide plus ou moins peuplé, plus ou moins rural, plus ou moins domestiqué. Le but du jeu est donc de choisir les zones les plus paumées pour essayer de croiser le moins de monde possible et surtout essayer de trouver une nature la moins défigurée possible.

Voilà, c’est ça le pitch. Nous marchons sur les pas de Tesson à travers ce “petit pays “ et ce “grand jardin” qu’est la France. Petit pays car il ne reste pas grand chose à découvrir par ici, pas grand chose de grand et de sauvage, et grand jardin justement parce qu’une grande partie du territoire a été aménagée et remodelée par l’homme pour les (soi-disant) besoins de l’agriculture, de l’urbanisation et de la circulation. On marche, on observe et on se fait des réflexions sur l’évolution du monde paysan, la politique agricole commune, ce qu’on appelle progrès, la révolution numérique, la désertification des campagnes ou le mouvement inverse actuel la “boboisation” de certaines campagnes. 
Se reconstruire par la marche, quelle excellente idée en tout cas ! Chaque pas, malgré la douleur, permet la réparation du corps mais aussi la reconstruction de l’âme. Le cheminement se répercute à l’intérieur et en avançant sur les sentiers on avance en parallèle dans la quête de soi.

J’ai terminé ce livre le 31 décembre, je vois ça comme un signe, ça tombe à pic pour les bonnes résolutions de la nouvelle année vous ne trouvez pas ? Eh bien moi je décide cette année d’aller marcher quelque temps quelque part. Reste à trouver quand et où et comment mais je dois le faire et si au bilan de l’année on se rend compte que je me suis débinée il faudra me huer haut et fort et me couvrir de plumes et de goudron. Et toc !


Une p'tite phrase au hasard : 

"Il aimait ce qui camouflait le monde : les nuages, la distance, la vodka."

Quatrième de couverture : «Il m'aura fallu courir le monde et tomber d'un toit pour saisir que je disposais là, sous mes yeux, dans un pays si proche dont j'ignorais les replis, d'un réseau de chemins campagnards ouverts sur le mystère, baignés de pur silence, miraculeusement vides. La vie me laissait une chance, il était donc grand temps de traverser la France à pied sur mes chemins noirs. Là, personne ne vous indique ni comment vous tenir, ni quoi penser, ni même la direction à prendre.»

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