Ballade pour Leroy, Willy Vlautin

Ballade pour Leroy, Willy Vlautin

J’imagine que ça s’est passé comme ça : un matin Willy Vlautin se lève avec l’envie d’écrire un livre. En y réfléchissant pendant son petit déjeuner il se dit que non, finalement il a bien envie d’écrire deux livres. Il a envie d’écrire un livre un peu noir mais surtout hyper réaliste sur les petites gens et les petites choses de la vie de tous les jours. Il a envie aussi d’écrire un roman de science fiction trépidant, un roman d’anticipation en fait, avec de l’aventure, des poursuites, et de l’amour. Zut mais comment faire se dit-il en se brossant les dents ? Surtout que Willy Vlautin n’est pas un procrastinateur, non, il ne veut pas remettre au lendemain ni l’une ni l’autre de ses idées. La question le poursuit lorsqu’il quitte son appartement, salue le concierge et passage, achète son journal au petit kiosque au bout de la rue et traverse le parc pour gagner du temps. C’est seulement une fois arrivé à son arrêt de bus qu’il trouve la solution : il va écrire les deux livres en même temps. Donc voilà, il tient son idée, il n’y a plus qu’à la mettre en pratique. Il y pensera ce soir, en rentrant du bureau parce qu’il a bien conscience que ça ne va pas être simple, d’écrire deux livres en même temps, surtout quand on a déjà deux boulots en même temps. D’un autre côté, son boulot de nuit à la station service lui laisse quand même pas mal de temps pour cogiter et pourquoi pas pour écrire...
C’était difficile donc mais vous savez quoi ? Il l’a fait ! Avec cette Ballade pour Leroy Willy Vlautin nous offre un livre deux en un. Il a trouvé la bonne astuce en plaçant son personnage central dans le coma, ce qui lui permet de dissocier les deux univers : l’univers banalement triste de la réalité d’un côté, et d’autre part, l’univers délirant du cauchemar quasi perpétuel qui habite l’inconscient de Leroy.

Il y a de toutes petites zones d’interférences entre les deux univers qui correspondent aux moments où Leroy ouvre les yeux, retrouve un peu de conscience pour des instants qui se feront de plus en plus rares et qui font qu’il mêle parfois quelques informations provenant de la vie réelle à son délire.
Mais comment en est-il arrivé là au fait ? Leroy était soldat. Leroy a fait l’Irak. Leroy s’est pris une bombe artisanale en pleine face et Leroy revient au pays sous forme de légume. Fin de l’histoire. On n’en parle pas plus que ça dans le livre, ce n’est pas le propos, Vlautin ne donne pas dans le mélo, il ne veut pas spécialement parler de la guerre, par contre on comprend que des mecs comme Leroy, il y en a plein un peu partout aux états-unis, dans des instituts spécialisés, lâchés en plein nature ou alors croupissant au fond d’une prison. Durant ma lecture, j’ai souvent pensé à Yellow birds de Kevin Powers, un livre inoubliable qui nous dit un peu la même chose : la guerre, d’une manière ou d’une autre, on n’en revient jamais. Jamais entier. Jamais « comme avant ». Jamais tout à fait.

Fin du topo sur la guerre. Oui mais alors de quoi parle ce livre ?
Bonne question. Ce livre parle de tout et de rien, ou plutôt du rien qui devient tout, du rien que sont les petites histoires des petites vies des petites gens dans les petites villes et en même temps du tout que représente en réalité ce rien pour justement ces petites gens dont ces petites vies sont tout ce qu’ils ont. D’ailleurs, ça c’est valable pour tout le monde hein, une vie c’est tout ce qu’on a, c’est pas comme au flipper “same player shoot again”, mais ça vous le saviez déjà n’est-ce pas ?
Quand bien même, lisez ce livre, vous verrez, dans ces pages on croise plus que des personnages, on croise des personnes, des vraies personnes avec des vraies histoires et on finit par s’y attacher vraiment parce que c’est beau aussi la réalité rien que la réalité, le quotidien sans fard, la banalité grise dans laquelle on distingue parfois (heureusement) quelques étincelles de profonde humanité. Ce livre est là pour nous rappeler que, quelque part, nous sommes tous des Working class Hero...

Pour être tout à fait franche, si j'ai (beaucoup) aimé la partie réaliste du roman, j'ai beaucoup moins accroché avec le délire de Leroy qui prend de plus en plus de place et n'apporte pas grand chose à mon sens. Pas à cette dose en tout cas. Il n'empêche que globalement J'ai vraiment apprécié cette première rencontre avec monsieur Vlautin. 




Quatrième de couverture : La première chose que voit Leroy lorsqu'il sort du coma, c'est la photo d'une pin-up en bikini aux couleurs du drapeau américain. Une vision aussi nette que les sept années qui séparent son départ pour l'Irak de cet instant précis où il se réveille dans un établissement spécialisé. Lui qui avait oublié jusqu'à son nom pourra-t-il redevenir un jour celui qu'il a été ?Alors qu'il prend une terrible décision, son destin va bouleverser la vie de ceux qui gravitent autour de lui : Freddie, un gardien de nuit, Pauline, une infirmière, sa petite amie Jeanette et sa mère Darla, qui continue à lui lire à haute voix des romans de science-fiction. Pendant que Leroy lutte dans un inquiétant monde parallèle pour sauver sa peau...Après Motel Life et Plein nord, Willy Vlautin signe un roman très fort sur les oubliés du rêve américain. Un livre magnifique sur ceux qui s'accrochent à la vie envers et contre tout, où courage et bienveillance font contrepoids à la noirceur du quotidien.

Commentaires

  1. Original, ton billet! L'idée des deux romans en un, je n'avais pas vu ça ainsi, mais pourquoi pas. Au final, tu as aimé ou non?!

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    1. Oui j'ai aimé (beaucoup) la partie réaliste mais beaucoup moins le délire de Leroy qui prend un peu trop de place et n'apporte pas grand chose à mon avis. Pas à cette dose en tout cas. Au final toutefois j'ai aimé ce livre.

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  2. C'est vrai que ce billet n'était pas tout à fait clair, j'ai ajouté un petit bout ;)

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